Dans un contexte de violence urbaine et d’insécurité grandissante dans les villes et villages, les camerounais s’apprêtent à célébrer ce samedi 20 mai 2023, la 51e édition de la fête de l’unité nationale avec pour thème ” forces de défense et peuple camerounais, en symbiose pour la sauvegarde de la paix et de l’unité nationale, socle d’un Cameroun fort et prospère”. Un choix qui remet au goût du jour la question de l’opinion que se font les populations de tous ces hommes et toutes ces femmes “en tenue” qui se sont engagés á assurer leur sécurité et leur tranquillité au quotidien. Ce qui n’est pas toujours le cas.
Les récits des victimes de vol par effraction, d’agression dans la rue, dans les taxis, sur des motos, de viols ou de meurtres sont devenus banals au Cameroun. Une journée ne passe plus sans que les réseaux sociaux partagent les images des enfants disparus ou des personnes trouvées sans vie . Dans nos villes et villages les populations ont longtemps perdu le réflexe de composer le 117 pour appeler la police au secours ou le 118 pour la gendarmerie car ceux-ci n’arrivent presque jamais; à moins que vous veuillez un proche dans ces ” corps” dont le nom ou le grade peuvent faire bouger les lignes en votre faveur. Le cas contraire, c’est le Seigneur Dieu Tout Puissant, votre seul recours. Plus que par le passé, les camerounais vivent désormais la peur dans le ventre, le danger pouvant jaillir à tout moment, en plein jour au centre-ville de Yaoundé à l’Avenue Kennedy quand un inconnu emporte votre téléphone sans que personne autour de vous ne réagisse. Au milieu de la nuit , quand les brigands décident de casser votre porte pour s’emparer de votre écran plasma ou votre bouteille de gaz rassurés du fait qu’aucun voisin n’osera réagir favorablement à vos appels à l’aide . Ou encore , au milieu d’un bosquet dans un village lorsque des jeunes à moto décident de vous dépouiller de tous vos biens. Les brigands sont désormais partout au Cameroun . Des hommes mais aussi des femmes, de plus en plus jeunes, qui dictent leurs lois à leurs victimes sans état d’âme et en toute tranquillité .Des lieux comme MVAN, MOKOLO ou encore AVENUE KENNEDY sont de véritables nids de bandits en plein cœur de Yaoundé et tous les habitants le savent. Passer par là pour les femmes, les personnes âgées ou les étrangers de passage dans la capitale politique du Cameroun, revient à se jeter dans la gueule du loup. D’aucuns vous déconseillerons de vous y aventurer en disant : c’est à vos risques et périls. Les populations vulnérables à la violence de leurs méthodes d’action ne savent plus à quel saint se vouer. D’autant plus que plusieurs parmi ces délinquants sont des récidivistes que les victimes même quand ils les identifient, n’osent pas dénoncer par peur de représailles ; les autorités donnant l’impression de laisser faire. D’ou cette attitude de résignation qui se repend un peu partout au sein de la population. Face aux délinquants et autres bandits, on baisse les yeux, on coopère, on se laisse faire pourvu qu’on sauve sa vie. Personne n’y échappe et c’est chaque citoyen qui vit désormais en attendant son tour d’être agressé.
DES GENDARMES QUI NE FONT PAS PEUR
Pourtant les Forces de maintien de l’ordre , de défense et de sécurité sont bien visibles sur tout l’ensemble du territoire national. Bien formées, bien entrainées, d’après certains observateurs , mais surtout, sans problème de salaire . C’est à se poser la question : quelle est leur priorité ?
Diriger la circulation et contrôler les véhicules ou neutraliser les criminels ?
Entre-temps dans les quartiers, la consommation des drogues et des stupéfiants est en augmentation et fait des ravages au sein de la jeunesse au point de s’ introduire dans les établissements scolaires. Elle entraine par ricochet la montée de la délinquance juvénile qui à son tour augmente l’insécurité. Au vu et au su des forces de l’ordre qui semblent ne rien faire ; du moins les actions pour inverser la tendance ne sont pas encore perceptibles dans les quartiers ou des foyers d’agression se développent. Lutter contre boko-haram dans le septentrion ou les sécessionnistes dans le NOSO c’est bien. Mais il est aussi bien d’assurer la tranquillité et la sérénité des citoyens dans nos quartiers et villages. Bien malin , celui qui donnerait une explication convaincante à cette situation: cette montée de l’insécurité qui impacte négativement les activités socio-économiques au Cameroun. Pourtant, un adage français le dit si bien : “la crainte du gendarme est le commencement de la sagesse” . Ceci pour relever le coté dissuasif des FMO qui par leur seule présence dans les rues participent à la lutte contre l’insécurité. Malheureusement, c’est pas ce qu’on vit dans notre pays. Les policiers, gendarmes et autres militaires sont présents et visibles partout au Cameroun Il y en a même qui habitent tout près de chez nous. Mais ces “hommes et femmes en tenues” ne font pas peur , du moins, aux bandits et délinquants qu’ils doivent neutraliser. Au contraire, ces derniers temps, les bandits ont le vent en poupe. Ils multiplient les coups et forfaits, sèment la terreur et font régner la psychose au sein des populations. C’est le cas par exemple de ces coupeurs de route ” nouvelle génération” qui jettent de grosses pierres sur les pares-brises des véhicules sur les axes routiers afin de contraindre les automobilistes à s’arrêter et par la suite, les dépouiller. Parlant donc de symbiose forces de défense-populations, Comment comprendre qu’avec tous ces gendarmes et policiers qui nous entourent, le banditisme et la délinquance juvénile continuent de prendre autant d’ampleur dans notre pays ?Du peuple ou des forces de défense : quelle partie ne joue pas efficacement son rôle ?
LA CONFIANCE A CÉDÉ LA PLACE AU DOUTE
Le thème de cette 51e édition de la fête de l’unité nationale au Cameroun qui met en avant la promotion d’une collaboration harmonieuse entre les FMO et les populations gage de paix et de prospérité vient donc se heurter brutalement à la réalité des faits et des images sur le terrain. En effet, la question qu’on se pose est celle de savoir si les camerounais sont réellement en symbiose avec leur forces de défenses. Quels sentiments se dégagent en vous à l’approche d’un militaire en uniforme ? Que ressentez-vous quand un policier ou un gendarme vous interpelle dans la rue ? Ou quand vous êtes convoqués dans un commissariat ou une brigade de gendarmerie ? Si c’est pas le calme, la sérénité , la confiance, alors le thème de cette année est loin de refléter la réalité. Au contraire, pour beaucoup, sinon la grande majorité des camerounais(es) les “nye” comme on les appellent dans la rue n’inspirent pas la confiance. Ils font plutôt peur, menacent , intimident pour un tout ou pour un rien. Les rapports avec eux sont arbitrés par l’argent, le tribalisme, le favoritisme au point ou les familles qui n’ont pas “d’hommes en tenue” en leurs seins se sentent diminuées. La confiance a cédé la place au doute, à la peur. Désormais au Cameroun, il faut avoir “son propre” policier, gendarme ou militaire pour se sentir protéger.
BAGARRES ENTRE CIVILS ET POLICIERS PLUS RÉCURENTES
Une crise de confiance entre les deux parties, FMO et les populations, qui s’illustre par des actes de violences contre les policiers qui se multiplient ces derniers temps dans nos villes et qui se partagent abondamment sur les réseaux sociaux ? Jeudi 11 mai 2023, au quartier ARI, dans le 3e arrondissement de la ville de Douala, une bagarre entre un policier en uniforme et un jeune homme, visiblement un moto taximan, filmée et publiée par un passant, a été largement partagée sur les réseaux sociaux. Les circonstances de cette échauffourée ne sont pas évoquées dans cette courte vidéo de 23s mais on peut y voir un policier trainé dans la boue. Loin d’être un cas isolé, cette vidéo intervient une semaine après celle filmée au Lycée Général Leclerc de Yaoundé durant les épreuves d’EPS de l’examen du Probatoire et mettant en scène le jeune footballeur VIVIEN FRÉDERIC KOLOTO, sociétaire de Dragon de Yaoundé, brutalisant à plusieurs reprises un jeune policier qui essayait de l’expulser de force de l’enceinte de cet établissement scolaire ou sa présence n’était aucunement justifiée. Il sera finalement arrêté et conduit au Commissariat Central No 1. Au-delà de la violence des scènes de ces vidéos de civils affrontant les FMO au mépris de leur uniformes, c’est la clameur et les cris de joie des spectateurs qui vivent ces scènes qui suscitent les interrogations. Comment comprendre que des jeunes puissent applaudir pendant qu’un policier qui est là pour leur sécurité se fait tabasser sous leur yeux sans qu’aucun ne lève le petit doigt ? Une attitude loin d’être anodine et qui démontre l’effritement du climat de confiance entre les citoyens et les forces de défense et de sécurité dans notre pays , le Cameroun. Au vu de tout ceci, “la symbiose ” évoquée entre les “hommes en tenues” et le peuple, pour “la paix et l’unité nationale” est loin d’être une réalité. Le chemin est encore long.
Ce que ça fait…ça fait !